Pérou 2008-2013 Bernard Bettens EP4

Camionnette et bus jusqu’à Satipo, et Toyota familiale pour Puerto Ocopa.
Puerto Ocopa! Le choc, la catastrophe! La route se termine là, le village en pente a les pieds dans la boue, nous aussi. Il n’y a pas d’hôtel acceptable et pourtant, on en a déjà vus des hôtels inacceptables! Si l’on veut continuer, il faut faire venir spécialement une camionnette depuis Satipo d’où l’on arrive, puis traverser le rio Perenné sur une plate-forme posée sur trois pirogues.

traversée du rio Perenné
traversée du rio Perenné

Ensuite, c’est la piste, une piste comme je n’en ai jamais vue, qui monte, qui descend à travers la forêt épaisse. Le tronçon le plus rectiligne ne dépasse pas les quarante mètres de long. La piste a à peine la largeur de la camionnette, heureusement la nuit tombe rapidement et le chauffeur a l’air de connaître son affaire. C’est vraiment un as et je le trouve sympathique. Sept heures plus tard, on arrive enfin à Attalaya, il est minuit.
Attalaya! re choc! La ville est grande, moderne, toute illuminée avec des hôtels presque chics, des parcs, des avenues…
Comment est-ce possible? Aucune route véritable ne la relie au reste du pays à part cette fichue piste : tout passe par le rio Ucayali.
Le lendemain, le chauffeur nous conduit en maugréant à quelques kilomètres de la ville, au bord d’une belle rivière.

biotope du macero
biotope du macero

 

Il n’est pas content, il aimerait revenir directement à Satipo pour faire le maximum d’argent dans le minimum de temps.
On a de la chance et Jason peut enfin enregistrer le chant du macero. Le macero est une très belle grenouille qui avec son dos rouge ressemble beaucoup à un pumilio.

Quand la contrebande comprendra cela, je ne donne pas cher de la peau du pauvre macero.
La rivière est idyllique, on s’attarde, le chauffeur fait de plus en plus la gueule.
Je commence à aimer ce Jason Brown. Le voilà qui est en train de se remplir les bottes en voulant à tout prix retraverser la rivière pour aller reporter chez lui un macero qui avait été capturé sur l’autre rive. Et, en plus, il rit de sa maladresse.

Jason retraverse le rio pour aller reporter le macero là où il a été capturé
Jason retraverse le rio pour aller reporter le macero là où il a été capturé

 

On repart enfin. Le chauffeur est sombre, il boude, comme on avait fixé le prix avant de partir, il considère qu’avec tout ce temps perdu, on l’a volé. Sur la piste, cela va de mal en pis, le voilà torturé par un atroce mal de dent. Il s’arrête chaque fois que l’on traverse un torrent pour mouiller une poche de thé qu’il chique afin de soigner sa dent. Et il grogne. Je l’aime de moins en moins ce sale type… Mais au bout d’une heure, je pense que cela a assez duré, que voulez-vous, je suis trop bon, je finis toujours par ramollir! Au fin fond de moi, je suis une bonne pâte! Je lui demande de s’arrêter. Je vais chercher mon sac à dos à l’arrière de la camionnette et là c’est vrai, je me venge un peu. À beau mentir qui vient de loin! Je joue mon gringo, mon scientifique. Je lui demande son âge, son poids, s’il prend des médicaments, s’il a des problèmes de santé. Je prends un air beaucoup plus intelligent qu’à mon habitude, fais semblant de réfléchir longuement et finalement lui balance trois comprimés d’ibuprofène! Une demi-heure plus tard, le miracle s’accomplit, le voilà guéri, il sourit, n’est plus pressé et redevient sympathique en plus.
Heureusement, parce que Mark qui est derrière, dans la boîte de la camionnette a entendu chanter un vanzolinii au bord de la piste. ( Pour des raisons économiques, il y a toujours deux ou trois gars derrière, dans le bac de la camionnette.) Comment peut-on entendre le chant d’un vanzolinii au bord du chemin quand on est derrière une camionnette qui roule à quarante à l’heure sur une piste défoncée? Mystère! Mais ça c’est Mark!
On s’arrête, les vanzoliniis sont dans des plants d’ananas sauvages et ils sont nombreux.
Jason est fou braque, nous sommes à plus de neuf cents mètres d’altitude, ce qui constitue selon lui un record et les vanzos ont un patron dorsal très particulier.

 

Chasse, photos, mesures, enregistrements…

 

Et le chauffeur qui nous attend et sourit! Oh Bernardo tu es parfois un petit génie!
Il nous reste la piste, le passage du bac, enfin : Satipo la grande ville, à nous les danseuses!